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Sorti en 1975, Le Vieux Fusil, réalisé par Robert Enrico, est un film qui a marqué le cinéma français et continue de susciter des débats et des émotions fortes. Inspiré par le massacre d'Oradour-sur-Glane, ce long-métrage glacial est l'un des plus intenses de la filmographie de Romy Schneider.

Synopsis

Montauban, été 1944 : le chirurgien Julien Dandieu essaye de continuer son travail, malgré la pression de la Milice, en préservant son épouse Clara et sa fille Florence. Afin de mettre celles-ci à l'abri jusqu'à la fin de la guerre, il les envoie se réfugier dans le château familial de la Barberie. Julien Dandieu arrive à son château et découvre des scènes d’horreur qui rappellent évidemment les massacres commis à Oradour-Sur-Glane par une division blindée SS qui remontait vers la Normandie. Son réflexe face à cette situation : se venger. Il a alors pour but de tuer tous les soldats présents dans son château, quitte à le détruire.

Un Film aux Multiples Facettes

Selon l’angle avec lequel on l’aborde, Le Vieux Fusil est un film qui a parfois figé ses commentateurs dans la posture, que celle-ci soit d’ailleurs pour sa défense ou violemment à charge. Ces positions nous paraissent pour la plupart en partie compréhensibles, mais aucune ne nous paraît en réalité suffisante. Qu’est-ce, finalement ? Un revenge movie ? Un film de guerre ? Un document historique ? Un mélodrame en temps de guerre ? Ou un film signé Robert Enrico ? Un peu tout cela, peut-être.

Réception Critique

Dans Les Cahiers du Cinéma, Jean-Pierre Oudart parla à la sortie d’un « film abject », relayé des années plus tard par Louis Skorecki, dans Libération, évoquant « les indécences obscènes » du film. Si l'on peut donc avoir des réserves d’ordre moral sur le film, elles ne doivent donc pas tant être sur ce qu’il décide de raconter que sur la manière dont il le fait. Philippe Noiret évoque dans sa Mémoire cavalière sa déception de ne pas avoir vu ce sujet délicat traité avec plus de retenue ou de subtilité.

Et, de fait, Robert Enrico ne cherche pas spécialement à prendre des pincettes quand il s’agit de décrire ou les massacres perpétués par la division nazie ou la séquence d’assassinats vengeurs de Dandieu : il y opte à la fois pour des mécaniques de film de genre et de mélodrame. On peut notamment lui reprocher, dans cette logique, des caractérisations grossières et des transitions malhabiles, comme ce fondu enchaîné entre un corps calciné et la flamme d’une bougie dans un flash-back...

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Contexte et Thèmes

Le film est tourné, au milieu des années 70, à une époque où la France commence à interroger son passé d’une manière un peu différente. Des films comme Lacombe Lucien de Louis Malle ont fait polémique en remettant à plat les comportements individuels durant le conflit. Non, tous les Français n’étaient pas résistants, tous n’ont pas eu une attitude morale irréprochable face à l’Occupation.

Dandieu, par un prisme différent, incarne lui aussi cette reconnaissance de l’inexemplarité individuelle : il n’agit probablement pas comme il faudrait qu’il le fasse, mais qui sait comment il faut se comporter face à l’ignominie et qui sait comment il ou elle se comporterait en telle situation ? Dans les premières minutes du film, Dandieu nous est présenté d’emblée comme un Français quelconque : ni collabo ni résistant, il continue de travailler, et ce n’est de toute façon pas un personnage politisé, ni même engagé, à titre individuel, dans ce conflit. De fait, parce qu’il adopte un strict point de vue individuel, Le Vieux Fusil est un film qui envisage beaucoup moins de considérations générales sur l’humanité que ce que l’on a voulu lui attribuer.

Il faut alors repenser à la séquence essentielle, traumatisante, qui déclenche cette violence : celle où Dandieu, découvrant les corps de son épouse et de sa fille, « voit » ce qui s’est passé. Il ne s’agit alors pas forcément tant d’un flash-back que d’une « vision », une manière de faire entrer dans l’esprit du personnage. Et c’est là que le rôle de Robert Enrico se définit plus précisément.

Ancien élève de l’IDHEC et monteur à ses débuts, Enrico sait aussi bien que quiconque que le cinéma est un art des images et des sons, qui prend du sens par la manière dont ceux-ci s’agencent les uns avec les autres. Et la séquence dont nous parlons, précisément, a pour vocation de créer sur le spectateur un impact émotionnel comme seul les moyens cinématographiques peuvent le permettre : pour dire les choses sommairement, si on devait dresser un palmarès des séquences les plus traumatisantes de l’histoire du cinéma populaire français, cette séquence arriverait en très haute position.

Pour des générations entières de spectateurs, Le Vieux Fusil, c’est la séquence du lance-flammes, et les frissons que son souvenir procure inévitablement. Sans cette séquence, le film n’aurait pas été le même, et il n’aurait, sans aucun doute, pas eu la même postérité. Surtout, le cheminement du personnage de Dandieu n’aurait pas été, en tout cas dans la même mesure, aussi « justifiable ».

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Autrement dit, ce qui intéresse Enrico, ce n’est pas la violence à proprement parler, ce sont les mécanismes qui la déclenchent. A cet égard, Le Vieux Fusil a quelque chose de l’ordre de l’évidence, et le coeur du film ne se trouve pas dans les actes commis par Dandieu, mais dans la manière dont ceux-ci le transforment. Julien ne redeviendra jamais lui-même : il s’est définitivement égaré dans ces ruines dévastées.

Face à lui, irradie le charme incomparable de Romy Schneider, filmée lors des souvenirs de Julien comme un être solaire, habité simultanément d’une joie de vivre et d’une tristesse renversantes.

La Scène de Viol et la Censure

La scène de viol cristallise l'apogée du film de Robert Enrico, qui lui a valu d'être censurée en Allemagne principalement en raison de sa violence graphique et de l'impact émotionnel extrême qu'elle suscite. Ce passage montre l'agression brutale de Clara, l'héroïne qu'interprète Romy Schneider, par des soldats nazis, dans un souci de représentation réaliste et sans détour des atrocités de guerre. La censure de cette scène en Allemagne n'est pas non plus sans lien avec la perception ambiguë de Romy Schneider dans son pays natal, à cette époque.

Dans les années 1970, les normes de censure en Allemagne étaient plus strictes, particulièrement pour les contenus violents ou explicites, surtout lorsque ceux-ci évoquaient des périodes historiques sombres. Les autorités de censure allemande, FSK, estimaient que cette scène pourrait susciter des réactions trop perturbantes. Elles ont donc pris la décision de retirer cette séquence du film pour les projections publiques.

Impact et Héritage

En 1975, Le Vieux Fusil réunit 3 365 471 spectateurs et triomphera lors de la toute première cérémonie des César en remportant trois statuettes : meilleur film, acteur et musique (à titre posthume pour François de Roubaix, disparu peu avant). En 1985, Le Vieux Fusil sera élu comme César… des César par la même profession.

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Il y a peu de films et de musique dans une vie qui vous laissent des images et des sons ancrées dans votre mémoire de manière indélébile: Le Vieux Fusil en fait partie. C'est une œuvre absolument marquante à cause de son impact psychologique et émotionnel puissant.

Analyse des Personnages

Ce que l’on retient, ce sont les conséquences de ces actes qui sont terriblement dramatiques ; on les vit au travers des yeux du personnage principal. Julien Dandieu est un homme plutôt sympathique, tout en rondeur. Un professionnel de santé exposé à la souffrance du quotidien. Plus il soigne et plus on lui envoie de blessés, avec toujours moins de médicaments. Il vient en aide aux blessés, sans discrimination, y compris les miliciens. Même s’il apporte un soutient discret à la Résistance, il ne s’engage pas.

Clara le trouve laid. Julien lui offre un peu de sécurité. Elle se marie donc avec lui. Lorsque l’ennemi approche, Julien ne prend pas de décision. Il laisse François décider pour lui et va le regretter puisqu’il ne reverra plus jamais ni sa femme, ni sa fille. Sans le savoir, il les a données en pâture aux sauvages. Une fois. Il se refait le film des événements. S’en veut. Les femmes de sa vie, celles qu’il se devait de protéger, sont mortes par sa faute. Il les a abandonnées. Sa culpabilité est énorme, sa colère sourde. La barbarie de la guerre est en train de le transformer.

Cet homme qui a pour habitude de sauver des vies condamne désormais les bourreaux de sa femme et de sa fille à la peine de mort. Il devient le vengeur, machine à broyer l’ennemi. Julien pousse le vice jusqu’à mentir aux Partisans pour mieux en finir avec les Nazis, seul. Julien fait le ménage. Il liquide tous les Nazis de sang froid, sans dire un mot. Lorsque François le retrouve, Julien est égal à lui même malgré le drame qu’il vient de traverser. Il n’a pas changé alors qu’il vient de tuer une dizaine d’hommes : il devient un monstre. Puis il revient à lui même et retrouve son humanité l’espace de quelques secondes. Prend conscience de l’atrocité qu’il vient de subir - et de commettre. Les larmes montent. Puis sa nature reprend le dessus.

Le Vieux Fusil s’ouvre et se clôt sur la même image : un homme, une femme et une enfant se promenant en vélo sur un petit chemin de campagne, accompagnés d’un chien. Mais si la scène est identique, le sentiment éprouvé par le spectateur est très différent. Car entre-temps, le spectateur a été témoin de choses dures, éprouvantes.

Si Le Vieux fusil reste fidèle aux thématiques du cinéma de Robert Enrico c’est qu’il raconte l’histoire d’un type ordinaire, en apparence parfaitement équilibré, qui bascule malgré lui dans la violence et la folie.

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