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Bandeau

La Perfection du tir de Mathias Enard, publié en 2003, est un roman qui plonge le lecteur dans un univers angoissant de guerre civile. L’action se déroule dans une ville quelconque où la guerre civile sévit depuis de longues années et le fil conducteur est la violence.

Résumé de l'Œuvre

Le récit, écrit à la première personne, pénètre dans les pensées troublées et troublantes d’un jeune tireur embusqué obsédé par la mort. Le narrateur, un jeune homme tout juste sorti de l'adolescence, est sniper, et il adore ça. À force de concentration, de maîtrise et de patience, il est devenu le meilleur, et il ne s'en contente pas. Sans cesse, il recherche le tir parfait et le dépassement de soi en visant des cibles toujours plus difficiles à atteindre. Militaire ou civil, homme, femme, enfant, vieillard, peu lui importe, tant que son tir est une œuvre d'art.

Le héros du récit n’est satisfait que lorsqu’il réussit un tir parfait. Sur qui tire-t-il ? Hormis sur les cibles désignées lors des opérations militaires auxquelles il participe, les autres sont choisies au hasard des situations, de ses envies et de ses rancoeurs. Il est addicte à ses tirs et abat n'importe qui sans état d'âme, froidement avec le seul soucis de la performance technique. Ses émotions sont toujours en décalage avec ce qu'on attendrait et choque en permanence de façon violente....comme la guerre.

Dans un pays où règne la guerre civile, un homme vit rivé à la lunette de son fusil. Lui et son arme ne font plus qu'un, comme une extension de lui-même avec laquelle dorénavant il vit, dort.

La Recherche de la Perfection

Pour le sniper, le tir est avant tout une discipline. Avant même la cible, l'important c'est soi-même. Il faut organiser l'espace, qu'on se trouve sur un toit, derrière une fenêtre, n'importe où, il faut le contrôler, le faire sien.

Les bons jours, un seul tir parfaitement réussi suffit à lui donner la joie du travail accompli. Tout est dans la patience, le calme, la maîtrise du souffle.

L'Apparition de l'Amour

Une faille pourtant, dans sa carapace de machine meurtrière de précision : Myrna, une jeune fille de 15 ans qu'il a engagée pour s'occuper de sa mère malade. Belle, douce, séduisante, elle l'obsède. Comme un guerrier, un prédateur, il veut la conquérir. Myrna, une jeune femme de quinze ans, qui vient de perdre son père dans un bombardement, s'installe chez lui pour l'aider à soigner sa mère malade et qui part à la dérive.

L’amour fait son apparition, mais encore une fois la perfection peut-elle exister ? Au cours des pages se construit un monstre qui confond respect et sentiment de peur. L'arrivée de Myrna laisse espérer qu'une faille s'ouvre et laisse émerger un peu d'humanité. De fait elle va fragiliser ce colosse au pied d'argile mais l'espoir n'est pas permis dans ce roman.

Orgueilleux et sûr de lui, son équilibre vacille lorsqu'il rencontre Myrna, une jeune fille de quinze ans qu'il engage pour veiller sur sa mère avec laquelle il vit et que la guerre a rendu folle. Au fil de leur cohabitation, elle devient pour cet homme, qui ne sait s'exprimer que par le tir et la violence, source de fascination puis objet d'obsession quand elle profite d'une de ses absences pour disparaître.

Analyse du Style et des Thèmes

La Perfection du tir est une plongée dans le psychisme d'un tireur d'élite dont tous les repères moraux (à supposer qu'il en ait jamais été doté) se sont effacés dans la sauvagerie de la guerre, et qui se retrouve totalement déstabilisé lorsque la loi du plus fort est mise à mal par celle de l'amour. Une prose de précision, maîtrisée comme un tir de sniper, calme, tendue, efficace, pour un roman dérangeant et complexe où se mêlent et alternent amour et mort, empathie et répulsion, victimes et coupables.

Le roman atteint une autre dimension, plus forte, plus enveloppante et plus insidieuse, lorsque le lecteur assiste au changement, assez rapide, du psychisme du sniper, sur lequel cette "distinction militaire" provoque une perte presque totale de repères, remplacés par des panneaux indicateurs très personnels, sans qu'il s'en rende véritablement compte, se contenant de noter les attitudes qui changent, peu à peu, chez ses interlocuteurs, la peur ou le dégoût masqué s'installant solidement aux côtés du respect initial.

Mathias Enard décrit avec une saisissante empathie la psyché de son héros, complexe et perturbée. Le réalisme et la paradoxale poésie de sa langue reflètent la cruauté d’un monde abandonné au mal, sans autre bonheur que l’excellence dans l’art d’imposer inexorablement la loi de la force.

Contexte et Réception

Premier roman de Mathias Enard, La Perfection du tir a de ce fait une facture stylistique bien plus classique que les oeuvres qui suivent : ici, en effet, peu de phrases très longues ou de disparition parfois importante de la ponctuation. Malgré tout, l'histoire de ce sniper sans nom, engagé dans une guerre dont on ne sait que peu de choses est intéressante car elle prend, pour ces raisons, un caractère universel et immuable.

Quand il la retrouvera, pourra-t-il lui exprimer son attachement ? Mathias Enard inaugure sa carrière d'écrivain avec un texte dur et âpre. Réussissant à se glisser dans l'esprit tour à tour exalté, hyper-maîtrisé ou vacillant et déprimé, d'un jeune que la guerre a trop vite déclaré être un homme, l'auteur joue déjà (texte paru en 2003), et avec brio, la cynique partition de l'amour et de la mort.

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