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Les éditions Montparnasse présentent une nouvelle collection de films issus du catalogue prestigieux de la RKO, parmi lesquels La Femme aux revolvers d’Allan Dwan, un cinéaste immense trop peu présent sur le marché du DVD. Sorti en 1952, ce véritable petit bijou, concis et sensible, rappelle une fois de plus que Dwan est un des grands noms du western.

Allan Dwan : Un Maître du Western Méconnu

Qui peut prétendre connaître l’œuvre d’Allan Dwan ? Personne d’honnête en tout cas, tant sa filmographie est vertigineuse, offrant plus d’une centaine de films s’étalant sur pas moins d’un demi-siècle. Allez consulter la liste incroyable de ses productions, dont la plupart, notamment parmi celles réalisées dans les années 1910, sont perdues. Bien sûr, à ses débuts, il s’agit de films d’une bobine. Mais tout de même, cela reste impressionnant, et tous ces titres ont un charme fou, excitent la curiosité, tant ils semblent renfermer à jamais leur propre mystère.

Retrouver un de ces films serait aussi excitant que la découverte d’une œuvre de Giotto que l’on croyait disparue. Car Dwan est à sa façon un primitif, et fait partie des rares cinéastes qui ont accompagné l’histoire du cinéma, arrivant sur les plateaux alors que celui-ci ne fait que balbutier, et devenant avec les années, en toute modestie et sans tapage, un maître incontesté de son art. Pour les studios qui l’emploient, c’est l’homme à tout faire, sachant se fondre dans n’importe quel genre, acceptant les scénarios qu’on lui propose - un vrai bon petit soldat. Il y a chez lui quelque chose de l’ordre du savoir-faire, de l’artisan confirmé et adroit. Mais ses œuvres ne sont jamais académiques ni baignées dans le formol, et restent incroyablement vivantes et sensibles.

Après sa fastueuse période muette (on le considère dans les années 20 quasiment à l’égal des King Vidor, Erich Von Stroheim, Charlie Chaplin ou D.W. Griffith), on peut penser que Allan Dwan, l’une des carrières les plus longues et les plus fécondes de l’histoire du cinéma, a passé les deux décennies suivantes un peu dans l'ombre. En effet, hormis Heidi (médiocre par ailleurs) et Suez avec Tyrone Power, presque aucun de ses nombreux autres films tournés durant cette période n'est passé à la postérité. Il faudra attendre la fin des années 40 pour le voir émerger de son "purgatoire". En 1949, Iwo Jima sort sur les écrans avec John Wayne dans le rôle principal, celui d’un sergent instructeur dur à cuire ; le film s’avère l’un des plus beaux films de guerre sortis des usines hollywoodiennes et il l’est toujours aujourd’hui. Il s’agissait d’une production de la Republic, petit studio pour qui il tournera encore une douzaine d’autres films souvent interprétés par l’épouse de son patron Herbert J. Yates, l’actrice-patineuse Vera Ralston. Certains titres possèdent une solide réputation tels Angel in Exile (1948) ou Surrender (1950), mais il reste toujours aussi difficile de pouvoir les voir.

Mais Belle Le Grand (La Belle du Montana), le western mélodramatique qui suit immédiatement ces titres alléchants vient confirmer la bonne santé retrouvée du cinéaste. Attention, il ne faut pas confondre ce dernier avec le film qui nous occupe à présent, distribué l’année suivante et dont le titre original est Montana Belle. Mais alors que Belle Le Grand est un personnage fictif, Montana Belle n’est autre que le célèbre hors-la-loi américain version féminine, Belle Star, de son vrai nom Myra Maybelle Shirley Reed Starr.

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Synopsis de "La Femme aux revolvers"

Dans leur repaire en Oklahoma, Emmett et Gratt Dalton voient revenir leur frère Bob (Scott Brady) accompagné par la veuve d’un hors-la-loi, Belle Starr (Jane Russell), qu’il vient de sauver d’un lynchage. Bob est secrètement tombé amoureux d’elle et ne supporte pas qu’un autre membre du groupe, Mac (Forrest Tucker), lui tourne autour. Par le fait de mettre les banques dangereusement en faillite, le gang des frères Dalton est activement recherché.

A Guthrie, Matt Towner (John Litel), le représentant d’une association de protection des banquiers, décide de les appâter avec l’aide du propriétaire de la maison de jeu "The Bird Cage", Tom Bradfield (George Brent). Il offre à ce dernier la somme de 100 000 dollars pour l’aider à les capturer. Pour ce faire, Tom demande (en échange d’une forte somme) à Pete Bivins (Andy Devine), l’un des "indics" des Dalton, de les informer que son coffre-fort est plein à craquer, surtout le samedi soir, et autorise le shérif à tendre un piège dans son établissement aux hors-la-loi qui ne devraient pas manquer de venir y commettre un hold-up.

Le jour venu, alors que les gangsters et hommes de loi entament une bataille rangée, Belle Starr et ses acolytes, Mac et l’Indien Ringo (Jack Lambert), en profitent pour cambrioler eux-mêmes le coffre de Bradfield. D’abord alliée avec les Dalton, Belle devient dès lors leur plus sévère concurrente ; mais les deux gangs continuent de défrayer la chronique. Pour se cacher, Belle se fait désormais passer pour la blonde Lucy Winters, chanteuse de saloon.

Jane Russell : Une Belle Starr Inoubliable

Le personnage principal de La Femme aux revolvers, interprété par Jane Russell, est une jeune femme se faisant appeler Belle Starr. Sauvée in extremis de la potence par un des frères Dalton, elle devient suite à un malentendu leur principale rivale et, accompagnée de deux acolytes, passe maîtresse dans l’art de vider les coffres, devenant la femme la plus recherchée d’Amérique. Mystérieuse, au caractère bien trempé, elle n’a aucun mal à imposer l’évidence de son talent aux hommes lorsqu’il s’agit d’organiser des mauvais coups, et à gagner leur respect grâce à son habileté à manier les armes à feu.

Et c’est Jane Russell (au lieu d’Ann Sheridan pressentie dans un premier temps) qui reprit le flambeau à la fin des années 40. Car s’il est sorti en 1952, Montana Belle a été tourné en 1948 pour la Fidelity Pictures dirigée par Howard Welsch. Howard Hughes avait pour l’occasion "prêté" son actrice fétiche à ce petit studio pour ce qui était en fait seulement son quatrième film.

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Quant à Jane Russell, je ne crois pas l’avoir jamais vue plus jolie que dans la peau de cette hors-la-loi qui pourrait avoir été dans le même temps son plus beau rôle. Si elle n’est décidément pas une grande comédienne dramatique, il n’est pas désagréable de voir sa silhouette pulpeuse tour à tour en brune et en blonde, plantureusement vêtue en saloon-Gal ou déguisée en homme pour se faire passer pour un membre du clan Dalton.

Le cinéaste nous offre même un gros plan splendide sur ses yeux lors d’un montage en surimpression qui nous fait comprendre que le patron de la maison de jeu, au moment de lui proposer d’être son associée, a déjà reconnu celle qui l’a cambriolée la veille. Ce qui jette un peu d’ambigüité sur le personnage de George Brent : l’a-t-il embauchée pour son talent, parce qu’elle lui a tapé dans l’œil, ou pour mieux piéger ses acolytes ? Pourquoi pas tout à la fois ?

Amour et Conflits dans l'Ouest Sauvage

Ainsi, dans ce film, les divers affrontements, qu’ils soient entre braqueurs ou avec les forces de l’ordre, sont parasités par un sentiment qui vient troubler les actions de chacun : l’amour. Le charme de cette créature sauvage et gracieuse séduit ceux qui s’en approchent, et crée des rapports de force nouveaux, qui s’ajoutent à ceux déjà existants. Alors que les rôles sont définis, tout prend alors une dimension nouvelle, tout est court-circuité, et ce qui devait se résumer à une confrontation malfrats-autorités autour de questions d’argent semble comme troublée par l’émergence d’affects.

Chaque individu manque à un moment donné au devoir qui est le sien, à ce qu’il est censé faire afin de servir le groupe auquel il appartient. Le personnage touché par l’amour devient une pièce incontrôlable dans un mécanisme qu’il est malgré lui en train de laisser vaciller. Mais cette femme tant désirée, remarquable d’intelligence et habile lorsqu’il s’agit de manier les armes, montre au bout d’un moment ses failles, et laisse transparaître la lassitude et la fatigue qui est la sienne. La promesse d’une vie confortable au bras d’un individu appartenant à la vie civile ne tarde pas à ébranler la forteresse de froideur qu’elle est, et à faire tomber son masque. À ce titre, Jane Russell réussit parfaitement la mutation. Légèrement caricaturale lorsqu’elle se doit d’être forte, elle se révèle extrêmement convaincante lorsqu’il s’agit d’éclairer la part d’humanité du personnage. Cette créature sauvage baisse la garde et devient émouvante. Cette vie de braqueur qui fait d’elle la femme la plus recherchée d’Amérique ne semble pas lui appartenir, tel un habit que les circonstances lui auraient fait endosser malgré elle.

La Sensibilité d'Allan Dwan Derrière la Caméra

La distance du regard de Dwan permet à ce chassé-croisé des sentiments d’être juste et émouvant. Le cinéaste n’en fait jamais trop, ne rend jamais rien indigeste. Tout concourt à nous confronter de façon directe aux affects des personnages, rien ne vient parasiter la vision que nous en avons. Pas de baratin chez cet homme, mais un sens magistral de la mise en scène, un art de placer sa caméra, de diriger les acteurs et les mouvements qui font de lui un des plus grands cinéastes.

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L’économie de moyen dont il fait preuve est certes une conséquence des budgets serrés qui lui étaient attribués, mais montre aussi sa prodigieuse intelligence lorsqu’il s’agit de mettre en place et de faire se mouvoir des figures dans un espace donné. Il a l’art de faire le maximum dans un minimum d’espace et de temps, de placer la caméra au bon endroit en vue de concentrer en toute fluidité, telle une phrase concise, l’ensemble des enjeux que déploie le récit. Peu de mouvement d’appareil, mais une façon de rythmer l’histoire en faisant que les déplacements des personnages dans le cadre aillent de pair avec le développement des enjeux dramatiques. Tout est parfaitement chorégraphié, et chaque scène semble correspondre à un mouvement, au sens musical du terme.

La beauté des costumes, le charme désuet du procédé photographique Trucolor et la sympathique partition de Nathan Scott aidant, les amateurs de westerns de série B (et uniquement eux) devraient apprécier.

Un Western Simple et Universel

La grande réussite d’un film tel que La Femme aux revolvers réside dans la netteté absolue du trait, cette façon d’être à la fois précis et aéré, de concentrer l’attention sur l’histoire, de ne jamais se disperser : c’est l’art de l’évidence. En une petite heure et vingt minutes, tout a le temps de se déployer et d’exister en profondeur. Et c’est ainsi que Dwan, une fois de plus, nous surprend. Car ce qui était censé être un petit western apparaît comme un drame poignant d’humanité, une histoire simple mais universelle et essentielle, celle de l’Homme aspirant à l’amour, au bonheur et au repos.

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