Le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, est considéré comme un des foyers historiques de la résistance armée palestinienne à l’occupation israélienne. C’est une "icône de la résistance, de la lutte et du défi" pour le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, mais "une plaque tournante du terrorisme" pour Israël. Il est particulièrement dans le viseur d’Israël depuis le début du conflit déclenché par l’attaque du Hamas, le 7 octobre.
Dans le camp de réfugiés de la ville de Jénine, qui, comme toutes les grandes villes de Cisjordanie, est censée être sous le contrôle unique de l’Autorité palestinienne et de ses forces de sécurité, s’entassent entre 18 000 et 23 000 habitants selon l’ONU. Ce camp, d’une superficie de 0,43 kilomètre carré est miné par la pauvreté et le chômage. Il a été fondé en 1953 pour accueillir une partie des 760 000 Palestiniens qui avaient fui ou avaient été chassés de chez eux au moment de la création de l’Etat d’Israël, en 1948. Avec le temps, les tentes ont été remplacées par des maisons, et le lieu ressemble maintenant à un quartier classique de la ville de Jénine. Ce camp a progressivement échappé au contrôle des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne au profit de groupes armés locaux.
Parmi ces groupes figure le Djihad islamique, soutenu par l’Iran. Comme le Hamas, ce groupe armé bien implanté à Jénine est considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis. Le Djihad islamique, le mouvement islamiste du Hamas et la branche armée du Fatah du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, opèrent dans le camp de réfugiés sous l’égide des Brigades de Jénine.
Ce camp géré par l’ONU, un des plus pauvres et des plus densément peuplés de Cisjordanie, est l’objet de fréquentes incursions militaires israéliennes. Depuis le début du conflit déclenché par l’attaque du Hamas, le 7 octobre, l’armée israélienne a mené plusieurs "actions antiterroristes" dans le camp de réfugiés de Jénine.
L’armée israélienne a déclaré vendredi 17 novembre avoir tué au moins "cinq terroristes" à Jénine, tandis que le Hamas annonçait la mort de trois de ses combattants "dans la bataille du ‘Déluge d’Al-Aqsa’ à Jénine". Le ministère palestinien de la Santé a rapporté de son côté "trois morts et 15 blessés, dont quatre sont dans un état critique". Un bilan qu’aucune source indépendante n’est en mesure de vérifier.
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Dans la nuit de jeudi à vendredi, une journaliste de l’AFP a vu des véhicules militaires israéliens s’enfoncer dans les rues du camp de réfugiés de Jénine. Des drones israéliens survolaient la zone, alors que des Palestiniens jetaient des pierres et au moins un engin explosif en direction des véhicules. L’armée a affirmé avoir mené une opération "antiterroriste" dans le camp et découvert des "engins explosifs artisanaux placés sous et au bord des rues pour attaquer les forces de sécurité israéliennes". Elle a aussi annoncé avoir "frappé une cellule terroriste armée", évoquant "six armes confisquées" et une quinzaine de "suspects arrêtés".
Le 9 novembre, l’armée israélienne avait déjà expliqué avoir mené une "action antiterroriste dans le camp [de réfugiés] de Jénine", lors de laquelle "plus de 10 terroristes [avaient] été tués [et] plus de 20 suspects recherchés, appréhendés". Parmi eux, deux militants du Djihad islamique qui "tiraient sur [les soldats de Tsahal ou les] mettaient en danger", avait-elle affirmé.
Les abords de la mosquée emblématique du camp de réfugiés de Jénine sont le théâtre d’une escalade de la violence depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas. Les forces israéliennes multiplient les raids, des combattants palestiniens les affrontent dans les rues, et les affiches à l’effigie des "martyrs" se superposent les unes sur les autres.
Comme le rappelle France 24, en 2002, lors de la seconde Intifada, Israël avait assiégé le camp pendant plus d’un mois durant une opération militaire en Cisjordanie. 52 Palestiniens et 23 soldats israéliens avaient été tués dans ces combats. Plus de 400 maisons avaient été détruites, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa), qui gère le camp, et plus d’un quart de la population s’était retrouvé sans abri.
Alors que le cessez-le-feu s’installe à Gaza, l’armée israélienne a lancé une vaste opération à Jénine, en Cisjordanie. De quoi relancer les tensions déjà alimentées par les actions violentes des colons, et rappeler qu’aucune ébauche de solution politique n’est liée à l’accord conclu à Gaza.
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Le cessez-le-feu, même fragile, s’installe dans la bande de Gaza depuis dimanche ; mais la logique de guerre ne perd pas ses droits, elle s’est déplacée en Cisjordanie. L’armée israélienne et le Shin Beth, le service de renseignement intérieur, ont lancé hier une opération militaire de grande envergure, impliquant l’aviation, dans la ville palestinienne de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Hier soir on dénombrait déjà 9 morts palestiniens et 35 blessés dans cette opération baptisée « mur d’acier », à durée illimitée selon l’armée. Hier aussi, trois Palestiniens ont été tués à Jérusalem-Est lors d'incidents. La ville de Jénine est censée être sous la responsabilité de l’Autorité palestinienne, en vertu des accords d’autonomie ; mais l’armée y pénètre comme elle veut, dès qu’elle estime qu’il existe une menace. Des affrontements entre des groupes armés et la police palestinienne s’y sont produits récemment ; mais la semaine dernière l’Autorité palestinienne avait annoncé qu’un accord avait été trouvé avec ces groupes pour mettre fin aux combats. L’opération israélienne survient quatre jours à peine après la conclusion de cet accord, comme un désaveu à l’Autorité palestinienne.
Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a placé cette action dans le cadre de la lutte contre les mouvements soutenus par l’Iran, à Gaza ou au Liban, et donc en « Judée et Samarie », a-t-il dit en reprenant les appellations bibliques de la Cisjordanie. Mais il est peu vraisemblable que les groupes armés qui se sont manifestés ces derniers temps à Jénine aient un lien quelconque avec l’Iran. La Cisjordanie a vu émerger ces dernières années une nouvelle génération de groupes armés autonomes, qui ne sont affiliés à aucune organisation. Ils sont souvent opposés aussi bien au Hamas qu’à l’Autorité palestinienne, discréditée à leurs yeux.
La raison de cette opération est vraisemblablement liée aussi au cessez-le-feu et à l’échange otages contre prisonniers qui a débuté dimanche. Parmi les prisonniers qui doivent être libérés, figurent quelque 200 Palestiniens condamnés pour des attentats. Les autorités israéliennes font une démonstration de force pour empêcher tout débordement, mais aussi calmer la frange d’extrême-droite toujours au gouvernement en Israël. Le risque d’escalade est bien réel : la situation est déjà très tendue en Cisjordanie.
Il y a régulièrement des attaques de colons israéliens contre des villages palestiniens - lundi soir des colons armés et cagoulés ont attaqué le village palestinien d’Al Funduq, et ont mis le feu à des maisons et des véhicules. L’armée les laisse faire la plupart du temps. Ce que ces nouvelles tensions en Cisjordanie et à Jérusalem-Est révèlent plus que tout, c’est qu’il ne faut pas s’attendre à ce que le cessez-le-feu à Gaza produise un effet de détente ou même une amorce de solution politique. Rien de tout cela n’est à l’ordre du jour, l’agenda de colonisation progressive de la Cisjordanie n’est pas abandonné, malgré le départ du gouvernement israélien d’un des deux partis d’extrême-droite opposé à l’accord à Gaza.
En juin 2024, 60% des habitants de Cisjordanie et de la bande de Gaza se prononçaient en faveur de la dissolution de l'Autorité palestinienne. Un chiffre qui témoigne de la désaffection profonde des Palestiniens pour cette administration, jugée illégitime, impuissante et largement corrompue.
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Depuis un mois et le lancement de l'opération des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne "Protéger la Terre", destinée à lutter contre les "hors la loi" et les organisations djihadistes réunies au sein du bataillon de Jénine, 14 personnes ont été tuées. Le redoublement d’hostilité de ce groupe concurrent qui n’hésite pas à affronter les forces de l’Autorité palestinienne illustre une réalité plus large : la défiance de la société envers le pouvoir politique et ses agents. Dans un sondage réalisé en juin 2024 par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, 90 % des personnes interrogées en Cisjordanie et dans la bande de Gaza demandent la démission de Mahmoud Abbas, et 60 % se prononcent en faveur de la dissolution de l’Autorité palestinienne. Une large majorité (69 %) considère que l’Autorité est devenue un fardeau pour la population palestinienne.
En effet, l’Autorité palestinienne est essentiellement critiquée par les Palestiniens pour sa coopération étroite avec Israël, pour la corruption endémique qui la caractérise et pour son incapacité à agir pour Gaza - ce qui a entrainé la chute du gouvernement du Premier ministre Mohammad Shtayyeh en février dernier.
Pour autant, elle occupe une place incontournable dans la vie en Cisjordanie, caractérisée par une forte proportion d’emplois publics. On dénombre 180 000 fonctionnaires sur moins de 3 millions d’habitants. De fait, elle demeure un employeur incontournable et une planche de salut économique pour les Palestiniens. Ce vivier d'emploi considérable est inégalement réparti, puisque la sécurité représente à elle seule près de 60 000 emplois. Il y a 8 fois plus d’agents de sécurité par habitant en Cisjordanie qu’aux États-Unis.
Suite aux accords d’Oslo, Israël s’est débarrassé de la responsabilité de fournir des services de santé à la population palestinienne colonisée des territoires occupés. L’Autorité palestinienne est alors en charge des services publics, notamment dans le domaine de la santé. Progressivement, elle développe une privatisation de la santé, liée à la corruption et au népotisme endémiques, tout en restant dépendante financièrement d’Israël.
«Shirine était notre voix. (...) De toute évidence, il s’agit d’un crime délibéré et ciblé », affirme Mme Khalida Jarrar, députée du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, marxiste), elle-même plusieurs fois emprisonnée par Israël ces dernières années en raison de ses activités politiques. « [C’est] un meurtre flagrant, en violation des normes et du droit international, [elle] a été assassinée de sang-froid par les forces d’occupation israéliennes » dans le but d’« empêcher les médias d’accomplir leur travail », déplore de son côté la direction d’Al-Jazira, où elle officiait depuis 1997.
Tous les Palestiniens pleurent la mort de Shirine Abou Akleh, une célèbre journaliste de 51 ans, issue d’une famille chrétienne de Jérusalem, qui couvrait le conflit israélo-palestinien depuis ses débuts sur la chaîne qatarie et était devenue avec le temps une des figures familières de son pays à la télévision.
D’après les éléments fournis par ses collègues et confrères présents sur place au moment des faits et le récit de témoins oculaires, Shirine Abou Akleh a perdu la vie après avoir été sciemment visée au visage par un sniper israélien alors qu’elle se trouvait aux abords du camp de réfugiés de Jénine où elle avait été dépêchée avec son équipe. Son collègue Ali Al-Samoudi qui l’accompagnait a reçu, lui, une balle dans le dos et a dû être hospitalisé (ses jours sont hors de danger).
D’après sa consœur Shatha Hanaysha, qui était également aux côtés de la journaliste ce mercredi, les forces israéliennes « ont continué à faire feu bien qu’elle gisait au sol. Je ne pouvais même pas tendre le bras pour la saisir et la ramener vers moi car les balles fusaient. Il ne fait aucun doute que l’armée [israélienne] tirait pour tuer ».
Sur une vidéo circulant en ligne, tournée par un habitant de la ville, on peut voir par ailleurs un jeune homme, qui tente de lui porter secours, être la cible de tirs intentionnels. Selon la journaliste Dena Takrouri, « Shirine a été atteinte près de l’oreille, à un endroit que ne protège pas le casque [porté par les reporters dans les zones de conflits, en plus du gilet pare-balles floqué de la mention “presse”]».
Pourtant, les militaires, relayés par une grande partie de la presse et de la classe politique du pays, s’empressent alors d’imputer la mort de Shirine Abou Akleh aux Palestiniens. Ils estiment qu’elle aurait été atteinte par une balle perdue tirée par un combattant armé posté près du secteur où elle se trouvait. Une version validée immédiatement en haut lieu : « Manifestement, les Palestiniens armés (…) sont responsables » de la mort de la correspondante d’Al-Jazira, fait savoir M. Bennett dans un communiqué officiel, ajoutant que les accusations émises contre ses troupes sont « sans fondement ».
Le porte-parole de l’armée, quant à lui, explique même tout de go que Shirine Abou Akleh « filmait et travaillait pour un média au beau milieu de Palestiniens en armes ». « Ils sont “armés de caméras”, si vous me permettez l’expression », lance-t-il, laissant entendre que les journalistes constituent une menace au même titre que des résistants armés…
En réponse aux condamnations formulées par les dirigeants palestiniens, le rédacteur en chef de l’influent quotidien The Jerusalem Post fustige pour sa part l’« exploitation à des fins politiques » du décès de la journaliste et donne crédit à la thèse de « tirs palestiniens indiscriminés », selon la terminologie utilisée par les militaires.
Ces allégations ont toutefois été battues en brèche, s’il en était besoin, par l’association israélienne B’Tselem. À l’appui d’une vidéo diffusée par l’armée elle-même et d’une photographie aérienne qu’elle a pu analyser précisément, l’organisation pacifiste a pu établir que les tirs attribués au combattant palestinien embusqué « ne peuvent pas être [ceux] qui ont atteint Shirine Abou Akleh et son collègue ».
Depuis, les autorités israéliennes ont « modulé » leur discours et emploient à présent le conditionnel : elles indiquent qu’il n’est pas possible de déterminer la provenance du tir fatal et qu’il pourrait être d’origine palestinienne ou… israélienne. Sous la pression internationale, Tel-Aviv s’est résolu à diligenter une enquête militaire.
Shirine Abou Akleh vient s’ajouter à la longue liste des journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions par les forces d’occupation. Ces vingt dernières années, une cinquantaine de professionnels de l’information palestiniens sont tombés sous les balles israéliennes, dont près d’un tiers à Gaza (17 d’entre eux furent tués notamment durant la guerre déclenchée à l’été 2014 par Tel-Aviv contre la bande côtière, qui fit plus de 2 200 morts parmi les Gazaouis, essentiellement des civils, dont 600 enfants). Le ministère de l’information et le syndicat des journalistes palestiniens recensent chaque année entre 500 et 700 actes de violence contre les travailleurs des médias dans les territoires occupés.
Shirine Abou Akleh, qui figurait depuis longtemps dans le « viseur » d’Israël, avait elle-même déjà fait l’objet d’intimidations, de harcèlement et de tentatives d’arrestation de la part de l’armée israélienne. La journaliste est morte dans une ville qu’elle connaissait particulièrement bien pour s’y être rendue en reportage à de multiples reprises, notamment au cours de la deuxième Intifada (2000-2005).
Depuis le début 2022, plus d’une quinzaine de Palestiniens, principalement des jeunes, ont été tués par l’armée israélienne à Jénine, soumise à un quasi-état de siège. La disparition de Shirine Abou Akleh survient alors que les Palestiniens ont récemment commémoré le vingtième anniversaire de la « bataille de Jénine » (1er-11 avril 2002), un des épisodes les plus sanglants de la deuxième Intifada.
Surnommée par les Israéliens « la capitale du terrorisme », la ville fut alors sujette à d’intenses campagnes de bombardements, des couvre-feux à répétition et de fréquentes incursions militaires. L’armée israélienne y mena une offensive dévastatrice, dans le cadre de l’« opération rempart », dont elle porte encore les stigmates. Jénine, déclarée « zone militaire fermée » et totalement coupée du monde, fut assiégée sans relâche et le camp de réfugiés soumis à un déluge de feu d’une rare intensité puis envahi par un millier de soldats. Les combats firent officiellement 52 morts parmi les Palestiniens (au moins 200 selon les habitants) contre 23 côté israélien, et de nombreux blessés, sans compter les centaines d’habitations détruites - un des quartiers du camp fut même entièrement rasé. La bataille de Jénine - rebaptisée à l’époque « Jéningrad » par l’ancien président Yasser Arafat en hommage à la résistance acharnée dont firent preuve les habitants du camp - est ancrée dans toutes les mémoires.
Au lendemain de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à Gaza, l’armée israélienne déployait tanks et bulldozers dans les territoires occupés, dont le camp palestinien de Jénine. Une opération à durée indéterminée, selon le ministre de la Défense de l’Etat hébreu.
Immobiles et inquiétants, deux des trois chars de combat israéliens arrivés dimanche 23 février sont garés le long d’une route de terre. Après eux, celle-ci descend en pente douce et connecte habituellement ce quartier des hauteurs de Jénine au camp de réfugiés de la ville, situé en contrebas.
«Nous vous demandons gentiment de bien vouloir partir, vous êtes sur une zone militaire», semonce un soldat en anglais, entouré de ses collègues armés, à destination des photographes et journalistes. Comme pour asseoir cet avertissement, un sniper installé sur le toit d’une maison palestinienne balade quelques instants son viseur laser sur le groupe. L’armée entame aujourd’hui son 37e jour consécutif de présence dans le camp de réfugiés palestiniens de la ville et sa lisière.
Événement | Date | Conséquences |
---|---|---|
Seconde Intifada - Siège du camp | 2002 | 52 Palestiniens et 23 soldats israéliens tués, destruction de plus de 400 maisons. |
Opération "Mur d'Acier" | [Date manquante] | 9 Palestiniens tués, 35 blessés. |
Décès de Shirine Abou Akleh | [Date manquante] | Journaliste tuée, tensions accrues. |
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