Le Jaguar est un engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) conçu pour moderniser les capacités de l'armée de Terre française. Il remplacera progressivement les 248 AMX 10RC et les Sagaie à compter de 2022.
Cet engin très polyvalent est un véhicule à roues type 6x6 militarisé. L'agencement du Jaguar est classique pour un véhicule de reconnaissance de conception française. Le pilote est à l’avant de la caisse au centre.
Le Jaguar bénéficie de technologies innovantes. Il est doté de systèmes d’autoprotection récents (détecteurs d’alerte laser, détecteurs de départ de missiles, détecteurs de départ de tirs, brouilleur radio Barrage).
Comme son prédécesseur, l’EBRC est un blindé 6×6. Il partage, à ce titre, le châssis du VBMR Griffon, pour en faciliter la maintenance opérationnelle.
D’une masse au combat de 24 tonnes, il conserve une masse par essieu inférieure à huit tonnes, censée donner l’avantage à la roue sur la chenille en termes de mobilité. Il dispose également d’un système de protection actif-passif intégrant un brouilleur EM, des leurres IR, des détecteurs laser et de lancement, ainsi que des lance-pots fumigènes d’obfuscation.
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Concomitamment à son nouveau modèle organisationnel « Au contact », le ministre de la Défense annonce à Varces, le 5 décembre 2014, la notification des marchés pour le futur EBMR (Engin blindé multirôle) qui comprend l’Engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) et le Véhicule blindé multirôle (VBMR).
Cette notification est la première étape du programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence de l’infovalorisation), dont les premières ébauches remontent à 2002 avec le programme d’études amont de « Bulle opérationnelle aéroterrestre ».
Le partage de l’information en temps réel et l’infovalorisation deviennent alors les piliers du combat qui, grâce aux différents vecteurs déployés sur le champ de bataille, permettent de traiter les menaces de manière collaborative.
De plus, outre le fait de limiter les tirs fratricides, le combat collaboratif augmente de manière importante la survivabilité des formations sur le terrain.
Capital pour l’avenir de l’armée de Terre, l’ambitieux programme SCORPION, d’un coût de cinq milliards d’euros, a pour but de la faire entrer dans le XXIe siècle en renforçant les capacités de combat du Groupement tactique interarmes (GTIA) tout en modernisant sa composante médiane.
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Le programme prévoit, entre autres, le remplacement par l’unique EBRC de trois véhicules du segment médian qui ont rendu de nombreux services depuis près de 40 ans : l’AMX‑10RCR, l’ERC‑90 Sagaie et le VAB HOT. Ce besoin de renouvellement est vital, car ces trois véhicules d’ancienne génération ont largement dépassé leur potentiel respectif malgré diverses améliorations.
Il faut donc de nouveaux blindés destinés aux unités de contact en privilégiant la mobilité, la protection et la mise en réseau de l’ensemble des combattants.
La mobilité tactique du nouveau segment médian doit être supérieure à celle de l’ancienne génération. La mobilité stratégique imposée par le cahier des charges stipule que le véhicule soit aérotransportable par A400M Atlas, dont le poids du fret en vol tactique ne peut excéder 25 t.
La notification de la première étape du marché en décembre 2014 est signée avec le groupement momentané d’entreprises regroupant Nexter Systems, Renault Trucks Defense (RTD) et Thales. Ce consortium a été sollicité en novembre 2013 par la DGA afin de développer le futur EBRC.
Hormis le char Leclerc, l’armée de Terre ne nomme pas ses blindés. Avec l’EBRC, elle va innover en le baptisant Jaguar, qui s’écrit de la même manière en anglais, facilitant ainsi la prononciation tout en renvoyant une image agressive dans le but d’être plus porteur sur le marché de l’exportation que de simples sigles peu évocateurs pour des clients potentiels.
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La gestation du programme du Jaguar a été laborieuse, car il est compliqué de remplacer trois véhicules par un seul, tout en améliorant son spectre capacitaire.
De plus, deux écoles se sont affrontées : celle de la chenille et celle de la roue. La seconde option est retenue, jugée plus en cohérence avec la recherche d’une excellente mobilité opérative, l’engin devant être doté d’un train de roulement 6 × 6.
De plus, il doit être apte à engager des chars modernes en zone urbaine et apporter aux Leclerc et aux VBCI une capacité d’appui et de manœuvre dans toutes leurs zones d’engagement probables.
Afin de remplir ce large spectre de missions, le cahier des charges a établi une combinaison d’armements inédite.
Le choix de l’armement principal s’est porté sur un canon mitrailleur couplé à un missile antichar de nouvelle génération afin d’assurer une capacité de destruction de chars modernes en tir direct, mais aussi avec une capacité de tir au-delà de la vue directe (TAVD).
L’EBRC Jaguar est équipé d’une tourelle biplace armée du canon 40 CTC à munition télescopée de 40 mm. Il peut tirer une gamme complète de munition : flèche, explosive, explosive programmable (Airburst), d’entrainement.
La protection doit être évolutive afin de répondre au continuum des opérations : intervention, stabilisation et normalisation.
Le programme SCORPION prévoit la livraison de 248 Jaguar dont le prix unitaire oscille entre 4 et 4,5 millions d’euros. Initialement, 110 exemplaires doivent être livrés dans le cadre de la première étape du programme, qui échoit en 2025. Les 138 véhicules de la deuxième étape devront quant à eux être remis aux forces avant 2035.
L’instruction des équipages s’effectue au 1er régiment de chasseurs d’Afrique de Canjuers, qui s’est vu affecter en 2020 les premiers simulateurs de conduite, de tir et SEE (Simulateur d’entraînement des équipages).
Le 24 avril 2017, l’armée française a commandé le premier lot de 20 EBRC Jaguar et 119 VBMR Griffon.
La pré-série de 20 exemplaires a été livrée en décembre 2021 au 1er RCA de Canjuers, pour les besoin de l’instruction. Les premiers exemplaires de série sont livrés en 2022 au 1er REC et en 2023 au RICM.
En mai 2024, le 1er Régiment Étranger de Cavalerie [REC] déploya quelques Engins blindés de reconnaissance et de combat [EBRC] Jaguar en Estonie, au titre de la mission Lynx, menée dans le cadre de l’Otan.
Or, ce véhicule, issu du programme SCORPION [Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] n’avait pas encore été déclaré pleinement opérationnel par l’armée de Terre.
Et pour cause : en 2023, il fut avancé que la tourelle du Jaguar n’était « pas encore stabilisée ». Ce qui expliquait le retard pris dans la livraison de ces engins blindés à l’armée de Terre. « Il va falloir qu’on mette les bouts pour tenir les délais », avait alors lancé Sébastien Lecornu, lors des débats portant sur le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, à l’Assemblée nationale.
La même année, lors d’une audition au Sénat, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, expliqua que des ajustements » étaient encore « nécessaire » afin de pouvoir déclarer le Jaguar pleinement opérationnel. « Les industriels ont bien intégré cet aspect », avait-il souligné, avant d’annoncer la livraison d’un nouveau standard de cet EBRC, avec un « nouveau logiciel », d’ici la mi-2024.
Un an plus tard, le nouveau standard [appelé « R2 »] ayant été livré comme convenu, le général Schill fit savoir que les problèmes de tourelle avaient été réglés.
« Compte tenu de l’intégration de tous ces systèmes que l’on appelle vétronique », le Jaguar a « des difficultés de jeunesse », avait-il dit, lors d’une nouvelle audition parlementaire.
Et d’ajouter : « Nous avons aujourd’hui des Jaguar qui tirent en mouvement sur des cibles en mouvement à partir de leur arme principale [le canon 40CTA, ndlr] et qui tirent en mouvement sur des cibles en mouvement simultanément à partir de leur arme secondaire [une mitrailleuse téléopérée de 7,62 mm, ndlr] ».
Pour autant, malgré le standard R2 et le « rétrofit » des engins livrés au standard R1, la pleine capacité opérationnelle du Jaguar n’a toujours pas été prononcée. Pour cela, il faudra attendre sa version R3.
C’est en effet ce qu’a annoncé l’armée de Terre, dans le dernier numéro de la Lettre du CEMAT. « Le Jaguar a été qualifié dans son standard 2 en 2024. Le développement du standard 3, version pleinement opérationnelle, est en cours et il devrait être qualifié fin 2025, en vue d’une appropriation par les forces début 2026 », a-t-elle en effet indiqué.
Le contenu de ce standard 3 n’a pas été précisé. A priori, il prévoit l’intégration du missile antichar Akeron MP [ex-Missile Moyenne Portée], plus précisément la capacité de reprogrammer sa trajectoire en vol, ainsi que des fonctionnalités de maintenance prédictive.
Quoi qu’il en soit, dix ans après le lancement de SCORPION, 30 % des véhicules développés dans le cadre de ce programme [Jaguar, Serval, Griffon] ont été livrés à l’armée de Terre. Celle-ci a d’ailleurs reçu ses premiers Griffon MEPAC [mortier de 120 mm embarqué pour l’appui au contact] à la fin de l’année dernière. « Le début du déploiement dans l’artillerie interviendra à partir de mi-2025 », est-il précisé dans la Lettre du CEMAT.
Véhicule | Nombre Livré (Juin 2024) | Standard Actuel | Standard Futur | Capacité Opérationnelle |
---|---|---|---|---|
Jaguar | ~30% | R2 | R3 (Fin 2025) | Prévue pour début 2026 |
Griffon | ~30% | N/A | N/A | En cours |
Serval | ~30% | N/A | N/A | N/A |
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