L'étude des drapeaux, ou vexillologie, révèle un univers riche en symboles et en histoire. Si le drapeau est désormais reconnu comme l’emblème d’une nation, il est à l’origine, étroitement associé au monde et au fait militaire. Des Gaulois et Germains de l'Antiquité aux armées modernes, les drapeaux ont servi de symboles de ralliement, d'identification et d'expression des valeurs d'une communauté ou d'une nation.
Dans l’Antiquité, Gaulois et Germains se regroupent autour ou derrière d’une hampe surmontée d’un sanglier ou d’un taureau. Les Romains choisissent l’aigle jusqu’en 312, date de la conversion de l’empereur Constantin au christianisme. Pendant six siècles sur les champs de bataille, les rois de France adoptent comme emblème la chape rouge de Saint-Martin, devenue « oriflamme » de l’abbaye de Saint-Denis en 1124 jusqu’à la défaite d’Azincourt en 1415 face à l’Angleterre. Pendant les croisades des XIème et XIIème siècles, l’Ordre religieux et militaire des Hospitaliers arbore une oriflamme rouge à croix blanche sur terre et sur mer, constituant ainsi le premier des pavillons nationaux.
Pour leur bannière, les rois d’Angleterre choisissent les léopards d’or sur fond rouge et ceux de France les fleurs de lys sur fond bleu, qui devient blanc sous Charles VII après 1422. Les « bans » ont été remplacés dès 1445 par une armée royale permanente et soldée. Les bannières disparaissent alors au profit de l’unique « étendard » du roi (dénommé aussi « cornette » et en usage jusqu’en 1789), indiquant sa présence à la guerre. Le terme de « drapeau », dérivé de l’italien « drapello » (bannière) rapporté des guerres d’Italie (1494-1559), apparaît dans une ordonnance royale de 1684 pour désigner les emblèmes de l’infanterie.
Considéré par les combattants comme le symbole de leur armée, de leur régiment et du lien avec la nation, le drapeau revêt une importance unique, conférant au porte-drapeau une place de premier ordre au cours des batailles. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, un drapeau régimentaire sert de repère visuel aux combattants dans la mêlée. Il est aussi une puissante arme psychologique censée maintenir les soldats sous le feu pour garantir sa protection. Tant qu'il est là, rien n'est perdu. Tout au long du XIXe siècle et jusqu'au milieu du XXe siècle, le drapeau est l'objet d'un véritable culte au sein du régiment dont il est le symbole.
En 1794, la Convention décrète que le pavillon des navires de guerre sera formé des trois couleurs nationales bleu, blanc et rouge, disposées verticalement. L’armée l’adopte pour ses drapeaux avec des dispositions en damier, rosace ou losange jusqu’en 1812. Il devient emblème national en 1880. Dans son œuvre « Mes Rêveries » (1757), le maréchal Maurice de Saxe, artisan de la victoire de Fontenoy sur l’Angleterre en 1745, s’inspire de l’antique aigle romaine : « Les soldats (…) doivent se faire une religion de ne jamais abandonner leur drapeau ; il doit leur être sacré (…) et l’on ne saurait trop y attacher de cérémonies pour le rendre respectable et précieux ».
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Les revers militaires conduisent parfois les militaires à brûler leur emblème pour éviter qu’ils ne tombent entre les mains des ennemis, certains le brûlent comme à Maubeuge à la veille de la capitulation de la garnison en 1914, d’autres les enterrent pour les retrouver plus tard comme celui du 89e régiment d’infanterie mis sous terre à Tellancourt en 1914 et exhumé en novembre 1918. La prise d’un drapeau à l’ennemi lui enlève un de ses moyens de communication sur le champ de bataille et affirme la victoire.
Certains pays ont choisi d'intégrer des armes à feu dans leurs drapeaux, souvent pour symboliser la lutte pour la liberté, la défense de la nation ou l'importance de l'armée. Le pays d’Amérique centrale est l’un des deux seuls au monde, avec le Mozambique, à avoir placé des armes à feu sur sa bannière. Les armes peuvent avoir plusieurs significations. Il s’agit souvent de symbole de force et de vaillance.
Le drapeau actuel du Mozambique représente une étoile jaune pour le socialisme, un livre pour l’éducation, une houe pour l’agriculture et un fusil AK-47, signe de lutte pour la liberté. La version du drapeau avec le fusil a été adoptée le 1er mai 1983. En 1962, le Front de libération du Mozambique (FRELIMO) est créé. Une faction qui se positionne comme communiste, en pleine période de Guerre Froide. Le Mozambique obtient son indépendance le 25 juin 1975 et devient la République populaire du Mozambique, un régime autoritaire communiste.
Le drapeau du Guatemala n’a pas peur des contradictions. Composé de trois bandes verticales, deux bleues sur les côtés et une blanche au milieu, il comporte aussi quelques symboles en son centre. Notamment une couronne faite de rameaux d’olivier, symbolisant la paix, entourant deux sabres et deux fusils… Un parchemin mentionne également « Libertad 15 de Septiembre de 1821 » : un quetzal, oiseau du pays symbolisant la liberté, est juché sur celui-ci. Au centre du drapeau guatémaltèque, un quetzal, symbole de la liberté, juché sur un parchemin où figure la date de l’indépendance.
Le drapeau Rhin et Danube devient le symbole de la feu 1re Armée et de son union avec la nation. Il revêt une dimension identitaire, il est un symbole de ralliement, un symbole des gloires et des victoires de l’Armée de Lattre, voire une relique pour les anciens combattants. La 1re Armée française, créée fin 1943 et commandée par le général de Lattre de Tassigny, après s’être emparée de l’île d’Elbe a libéré le tiers du territoire national depuis le débarquement de Provence le 15 août 1944. Elle a pénétré de vive force en Allemagne et a terminé la guerre en Autriche. Pour les vétérans de l’Armée de Lattre ainsi que pour leurs chefs, réunis dans l’association Rhin et Danube, leur engagement n’a pas pris fin le 8 mai 1945.
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A partir de l’Ordre du Jour n°8 du général de Lattre (24 avril 1945) qui évoquait le Rhin et le Danube, l’appellation non-officielle de 1re Armée française, Rhin et Danube, s’impose auprès de ses hommes. De Lattre exige qu’un blason soit créé pour matérialiser la nouvelle identité de ses troupes. C’est l’un des proches de de Lattre, Gérard Ambroselli qui réalise une douzaine de modèles le 21 avril 1945 à Karlsruhe. Si tous ses soldats cousent ce blason sur leur épaule, en signe de cohésion, il ne nous semble pas que le moindre drapeau français en soit doté.
Le général de Lattre a pensé créer une association des vétérans de son armée au début de juillet 1945. Ancien combattant de la Première Guerre mondiale de Lattre connaît le besoin qu’ont les anciens combattants de se retrouver dans une structure associative. L’association a plusieurs objectifs comme maintenir les liens de camaraderie, entretenir la mémoire de la 1re Armée, aider les adhérents, représenter ses membres auprès de l’État, et organiser la préparation militaire des jeunes. Nous ne savons pas qui a eu l’idée de mettre le blason Rhin et Danube sur le drapeau français. Sur les drapeaux sont aussi brodées en lettres d’or des inscriptions. On retrouve le nom de la section, une référence à la 1re Armée, voire aux F.F.L. et au C.E.F.I. (Corps Expéditionnaire en Italie). Il s’agit dans ce cas peut-être d’une référence à l’hétérogénéité des troupes qui se sont amalgamées dans le cadre de l’Armée de Lattre. L’inscription Rhin et Danube se trouve toujours au-dessus du blason.
Il est tout d’abord attesté lors des événements internes à l’association. Il est conservé dans les locaux de Rhin et Danube et les membres des sections aiment poser en sa compagnie devant leur siège. Lors des assemblées générales départementales ou nationales les drapeaux sont exhibés en signe de ralliement pour ces anciens soldats dans les localités où sont organisés ces événements . Les nouvelles sections, ou les sections qui se pérennisent, en reçoivent un exemplaire « personnalisé » comme c’est le cas à Chambéry après la cérémonie du 8 mai 1954.
A la fin de 2002 la disparition de Rhin et Danube se précise en raison, entre autre, de l’âge des adhérents. Le Souvenir français, avec qui l’association entretient des liens étroits depuis longtemps, est choisi pour devenir son légataire universel. En juin 2005 lors du congrès de Colmar la dissolution de Rhin et Danube est officielle. Le Souvenir français hérite, entre autre, des drapeaux de Rhin et Danube. Depuis 2016, sous l’impulsion de son président, Serge Barcellini, elle les confie à des établissements scolaires.
Les drapeaux sont aussi les témoins de la violence des affrontements dont ils conservent les traces et les blessures. Ainsi, le drapeau du 81e régiment d’infanterie, conservé au musée de l’Armée, garde-t-il les déchirures causées par les balles et les éclats d’obus en août 1914. Les affres subis par ces drapeaux accroissent leur force symbolique, obtenant alors un rang similaire à celui de reliques.
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La prise de drapeaux ennemis fait partie des évènements relatés avec attention dans un grand nombre de journaux. Au cours du premier conflit mondial, de nombreuses cartes postales reproduisent les prises de drapeaux ennemis ainsi que leur exposition. Symbole d’une nation rassemblée derrière son armée, le drapeau revêt une dimension identitaire forte. Ainsi l’ennemi lui-même est-il associé à son drapeau. Détruire un drapeau ennemi, c’est toucher au sacré et au propre de l’ennemi.
Dans les évènements commémoratifs plus solennels, les drapeaux occupent aussi une place importante. Autour des monuments aux morts, un rituel s’organise autour des porte-drapeaux dont les gestes, l’ordre et les tenues sont précisés et rythment les cérémonies. Lors d’évènements plus tragiques et douloureux, les drapeaux sont mis en berne.
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