Quand vous entendez les observateurs qualifier une séance de tirs au but de "loterie", que ressentez-vous ? Beaucoup de sélectionneurs anglais ont utilisé ce terme après des défaites aux tirs au but. Evidemment, il y a une part de chance qui entre en compte - comme remporter le toss et tirer en premier - mais il existe beaucoup d'éléments sur lesquels on peut travailler afin de réduire ce facteur.
Ben Lyttleton : Je suis frustré quand j'entends ce terme parce que je pense que certains croient que c'en est vraiment une. Quant aux commentateurs TV, ce n'est pas mieux... Vous devez tout analyser dans cette situation : prévoir des plans B, C et D en fonction des joueurs que vous aurez sous la main. Votre meilleur joueur, qui peut faire partie des tireurs, peut notamment se blesser durant la rencontre ou être expulsé…
Shad Forsythe, préparateur physique de l'Allemagne, a dit un jour que les séances de tirs au but étaient à 90% une question de psychologie. D'un point de vue purement technique, tout joueur disputant une Coupe du monde doit être capable de trouver la faille à onze mètres du but. A chaque fois. Mais ce n'est pas si simple…
Christophe Revel, ancien entraîneur des gardiens du Maroc, de l'OL, de Rennes et de Brest, nous renseigne : "Les tirs au but, ce n'est pas une loterie. C'est un exercice qui se prépare techniquement et mentalement à l'aide de répétitions de gestes, de situations, se rapprochant tant bien que l'on peut de la réalité. Le plus important étant de rendre le gardien de but acteur de ce moment, de le mettre à l'aise et de lui enlever toute pression pour optimiser ses chances de réussite."
Cédric Carrasso, deuxième gardien à avoir arrêté le plus de penalties en L1 depuis 2006, confie : "Je ne vois pas ça comme une loterie mais comme une opportunité pour le gardien. Il y a bien sûr une bonne part d'intuition et d'observation. On donne des renseignements au gardien, c'est une aide mais pas une science exacte. Après, moi, à partir du moment où j'entrais sur le terrain, j'observais tout. L'échauffement des adversaires, leur tendance pendant le match, est-ce qu'untel tire croisé ou pas ? A partie de tout ça, je prenais ma décision."
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B.L. : Un tir au but parfait est un tir au but réussi. Statistiquement, il n'existe pas de zone à privilégier pour marquer à coup sûr. Les tirs en hauteur sont plus durs à arrêter. Mais ils sont aussi plus faciles à rater. Vous pouvez tirer trop haut. Vous ne pourrez jamais tirer trop bas. C'est aussi simple que cela. Frapper au centre est une solution intelligente : 29% des penalties sont tirés à cet endroit du but. Et les gardiens n'y restent que 6% du temps… Maintenant, comme Julio Cesar l'a prouvé samedi, les tentatives au centre peuvent aussi être stoppées.
Une équipe qui débute une séance gagne 6 fois sur 10. La pression supplémentaire qui accompagne une formation qui tire en second est-elle quantifiable ? Oui. Mais il faut savoir avant tout que la pression augmente à chaque tir de la séance. Le taux de réussite des joueurs frappant pour éviter la défaite dans une séance de tirs au but est de 62%. En Coupe du monde, où la pression est plus forte, il est de 44% !
Se présenter et frapper le tir au but de la victoire est totalement différent. Là, le taux de conversion s'élève à 92%. La différence est énorme et résulte en partie d'une approche positive ou négative. Mentalement, c'est totalement différent.
Il ne faut pas minimiser le rôle et l'importance du gardien de but. Les Allemands ont de grands gardiens de but. Cela donne confiance aux tireurs. Ces derniers savent que s'ils ratent un tir au but, ce n'est pas la fin du monde parce que leur portier va probablement en sortir un. Si ce n'est plus. Cela retire de la pression sur le tireur.
Une étude, citée par The Telegraph et portant sur toutes les séances de tirs au but des Coupes du monde et des Championnats d'Europe de 1984 à 2012, a révélé qu'un gardien qui tente de déconcentrer le tireur de penalty réduit de 10% le nombre de buts marqués.
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Andrew Redmayne, gardien australien, est devenu un héros national en gesticulant grossièrement sur sa ligne de but, reproduisant les mouvements d'une danse du groupe australien "The Wiggles" et en s'emparant de la gourde du gardien péruvien où figure quelques indications sur les tireurs australiens et l'envoyant balader dans les tribunes. Le Pérou ratera deux tentatives et regardera la Coupe du monde depuis son canapé.
B.L. : Les raisons sont multiples et il faudrait des heures pour les développer. Mais une chose est sûre : les victoires entretiennent un cercle vertueux. C'est le cas pour l'Allemagne. Plus vous gagnez… plus vous gagnez. Si votre équipe a remporté ses deux dernières séances de tirs au but, la probabilité de réussir un tir au but s'élève à 89% de chances. En revanche, si votre équipe reste sur deux séances de tirs au but perdues, vos chances de réussite descendent à 57%. L'Angleterre est aujourd'hui dans cette configuration, dans ce cercle vicieux de la défaite.
Aussi, vous remarquerez que les Anglais se précipitent lorsqu'ils doivent frapper leurs penalties. Entre le coup de sifflet de l'arbitre et le début de la course d'élan, le footballeur anglais met en moyenne 0''28 à réagir. C'est plus vite que n'importe qu'elle autre nation.
Le football français a-t-il oublié que les tirs au but n'étaient pas un jeu de hasard ? En un an, les Bleus ont perdu une finale de Coupe du monde, deux finales d'Euro et de Mondial U17 et un quart de finale de Coupe du monde féminine au terme d'une séance de tirs au but. Depuis la Coupe du monde 1998, les sélections ou clubs français ont disputé 16 séances de tirs au but dans des compétitions internationales et en ont remportées… trois.
Le problème peut venir des gardiens comme Fabien Barthez et Hugo Lloris qui n'ont stoppé aucune des 14 dernières tentatives subies dans le but des Bleus. A force, il n'est sans doute plus question de loterie mais de syndrome.
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Hubert Fournier révélait il y a quelques jours dans L'Equipe : "Il ne faut pas tomber dans quelque chose qui nous paralyse, dans une forme de psychose. La gestion des émotions doit être mieux maîtrisée. Il y a sans doute des solutions, et il va falloir qu'on les trouve (…). Il est nécessaire de mettre une cellule spécialisée en place pour accompagner les joueurs sur le plan émotionnel, faire en effet appel à des psychologues. Il est important d'y réfléchir et on va le faire, croyez-moi."
Luis Enrique, avant le dernier Mondial, avait demandé à ses joueurs espagnols de tirer 1000 penalties avec leurs clubs respectifs avant de prendre l'avion pour le Qatar. Gareth Southgate, sélectionneur anglais, n'a jamais caché que son équipe bossait spécifiquement l'exercice : "Comme tous les autres aspects de notre jeu, nous sommes préparés et nous avons suivi un processus - nous devons être prêts mentalement et physiquement."
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