Qui ne se souvient pas de Manufrance? Fondée durant la seconde moitié du 19e siècle, cette entreprise appartient à notre patrimoine industriel au même titre que Michelin, Saint-Gobain, Le Creusot ou encore Schneider.
La société Manufrance, fondée à partir d’un simple atelier de fabrication d’armes de Saint-Étienne en 1885 par Étienne Mimard et Pierre Blachon, a connu un rapide développement industriel et commercial, grâce à une diversification de sa production et à la mise en place d’un réseau commercial étendu de magasins et de vente par correspondance.
Le 10 novembre 1887, Étienne Mimard et Pierre Blachon achètent la « Manufacture Française d’Armes et de Tir » de Monsieur Martinier-Collin pour 50 000 pièces-or. Deux ans auparavant, soit en 1885, est créé Le Chasseur Français, un périodique sur le monde de la chasse. En 1892, s'ouvre le premier magasin de vente à Paris au 42 rue du Louvre. Peu de temps après la découverte de la bicyclette, l'entreprise lance la sienne sous le nom d'Hirondelle. De fait, l'entreprise est rebaptisée Manufacture française d'armes de Saint-Étienne.
Elle connaît une expansion rapide puisqu’elle emploie 1000 salariés en 1898 et s’appelle depuis 1892, la « Manufacture Française d’Armes et de Cycles de Saint-Étienne ».
En 1893 commence la construction des bâtiments du cours Fauriel à Saint-Etienne. La même année est introduite la gamme d'articles de pêche Tarif-Album. En 1897 est créée la carabine mono-coup Buffalo, une carabine de tir et de jardin. En 1902, une centrale électrique est construite pour l'usine. En 1904, l'entreprise propose à ses clients ses premières cartouches prêtes à l'emploi. En 1906 est créée la machine à coudre Omnia. La société possède 8 magasins en France et 367 agences à l'étranger et dans les départements d'Outre-Mer.
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En 1911, la Manufacture française d'armes et cycles de Saint-Étienne prend le nom de Manufrance et devient une société anonyme ; Etienne Mimard en est le premier directeur général. En 1913 est lancé le fusil Robust, un fusil de chasse juxtaposé, la référence pour ce type de fusil. En 1914, Pierre Blachon décède et lègue la majorité des actions aux Hospices civils de Saint-Etienne. Manufrance lance le pistolet Le Français et met au point le pneu démontable. En 1939, Le Chasseur français est tiré à 450 000 exemplaires. En 1944 le fondateur, Étienne Mimard, décède. Il avait renoncé, depuis les grèves de 1937, à léguer la moitié des actions qu'il détenait à ses employés ; il les transfère à la mairie de St Etienne. Pierre Drevet devient PDG. En 1945, Manufrance s'adjoint des commerces indépendants pour ouvrir des magasins agréés Manufrance. La 2e guerre mondiale a un lourd impact sur Manufrance.
En 1952, Manufrance crée la carabine Reina à répétition automatique et calibre 22 LR à 8 coups. En 1958, se crée le fusil Rapid, fusil de chasse à pompe. En 1970, Manufrance fabrique plus de 70 % des armes de chasse françaises. L'entreprise dispose de 125 000 m² d'usines à Saint-Étienne. Elle expédie chaque année 20 000 tonnes de marchandises en France et dans le monde entier. 48 magasins sont répartis dans toute la France.
Voici quelques dates clés concernant les innovations et les produits phares de Manufrance :
En 1944, Étienne Mimard, alors sans héritier et principal actionnaire, décide de léguer 50% des actions à la municipalité de Saint-Étienne et aux Hospices Civils de cette même ville. Malgré la diminution progressive de sa place d’actionnaire, suite aux augmentations successives de capital, la municipalité a conservé une place suffisamment importante pour influer sur les décisions prises par la direction de l’entreprise.
En 1968 et 1969, l’entreprise connaît deux importants conflits qui ont notamment pour exigence la modernisation de l’appareil productif. Les années 1970 sont marquées par des erreurs de gestion avec, par exemple, la construction d’un entrepôt commercial qui se révèle peu fonctionnel à l’utilisation, la mise en place manquée de l’informatisation de la gestion commerciale ou l’absence d’investissement de renouvellement des machines-outils.
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Nous sommes dans les années 70. Le premier et second choc pétrolier ont frappé de plein fouet Manufrance confronté à une baisse de la consommation et au remboursement d’emprunts pour des investissements structurels colossaux décidés par la mairie propriétaire de l’entreprise. Elle doit en outre faire face à de nouveaux concurrents qui lui grignotent année après année des parts de marchés conséquentes dans ses métiers de prédilection.
En effet, les différentes directions qui se sont succédés au chevet de l’entreprise de plus en plus malade ont toujours été imprégnées de cette vision paternaliste de leur encombrant ancêtre, Etienne Mimard. Un exemple parmi tant d’autres. Alors que l’informatique commence à s’implanter dans l’univers industriel, Manufrance s’y intéresse à reculons.
Conséquence inévitable : la société ne peut plus faire face à ses échéances et demande l’aide des banques pour renflouer les caisses. Ces dernières reculent devant cette municipalité communiste qui fait peur. Résultat : en 1979, Manufrance, en tant que société anonyme, est mise en liquidation judiciaire.
Bernard Tapie tente bien de proposer un plan de restructuration mais c’est surtout pour lui un formidable coup de publicité à moindre coût afin de se faire connaître du grand public en profitant d’une situation et d’une exposition médiatique sans commune valeur avec la solution qu’il préconise : ni plus ni moins que le démantèlement des différentes entités afin officiellement de se débarrasser des secteurs déficitaires pour repartir sur de bonnes bases mais officieusement, il s’agit purement et simplement de revendre avec profit les activités rentables et de fermer les autres.
Après deux ans d’une lutte acharnée, la CGT, aidée des derniers irréductibles qui lui abandonnent leurs primes de licenciement pour un montant total de 9 millions de francs, crée en 1981 la Société de Coopérative Ouvrière de Production et Distribution (SOCPD) pour sauver ce qui peut l’être.
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Que s’est-il passé exactement pendant cette période trouble ? Difficile de le dire encore aujourd’hui. Tout juste peut-on croire que la CGT a fait de son mieux pour sauver l’entreprise et d’un autre côté, on sait également qu’elle a caché tout un stock, notamment des armes pour officiellement les substituer à la dilapidation inévitable du patrimoine de l’entreprise.
Le mot fin peut alors être apposé sur un des plus beaux joyaux de l’industrie stéphanoise.
Une page d’histoire se tourne, même si la marque ne disparaît pas. La Société Manufrance existe toujours, après avoir été reprise par un industriel de la Loire. Après le rachat de quelques marques du portefeuille de l'ancienne société Manufrance, et la création le 1er octobre 1988 de la SARL « Manufacture française d'armes de Saint-Étienne » dont il est le gérant, Jacques Tavitian relance l'activité par le biais d'un magasin à Saint-Étienne et un catalogue de vente par correspondance.
La notoriété et l’image de marque de MANUFRANCE sont telles que la marque est une véritable institution liée à l’histoire et au savoir-faire local. Des industriels régionaux participent à l’élaboration de produits manufacturés avec le concours des techniciens du nouveau groupe MANUFRANCE reconstitué. En effet, le savoir-faire MANUFRANCE qui a fait sa réputation de qualité sera perpétuée.
Six années de travail sont nécessaires pour implanter des structures industrielles et pour reconstituer les produits phares de la Manufacture. En 1990, la commercialisation des produits MANUFRANCE reprend, avec la création d'un bureau d’études et des méthodes.
Tout d’abord, le musée d'art moderne de Saint-Étienne accueille du 14 mai 2011 au 27 février 2012 une exposition intitulée C’était Manufrance, un siècle d’innovation : 1885-1985. Celle-ci présente selon un plan chronologique, près de 450 objets et accessoires issus de la production ou de la vie de la Manufacture. Un travail d’entretiens oraux, réalisé pour la période suivant la Seconde Guerre mondiale, complète les photographies et autres films d’époque.
L’accent est mis sur le caractère précurseur de cette entreprise dans la mise en application des principes du taylorisme, de la vente par correspondance, de la publicité ainsi que sur le développement et la commercialisation constante des innovations techniques.
Ensuite, deux supports doivent permettre de laisser une trace de ce travail de recherches et de préservation mené par le Musée d’Art et d’Industrie. Un catalogue richement illustré a été publié et reprend ainsi sur plus de 330 pages le contenu de l’exposition avec pour titre Manufrance, l’album d’un siècle 1885-1985. Il est complété par un film documentaire d’une heure vingt réalisé par Marie Ange Poyet qui reprend les témoignages d’anciens acteurs ouvriers, cadres, responsables syndicaux, élus, hauts fonctionnaires de l’État et ministres.
Enfin, l'université Jean Monnet de St Etienne organise les 30 novembre, 1er et 2 décembre 2011 un colloque international et interdisciplinaire intitulé Manufrance : que reste-t-il de nos amours ? 100 ans d’innovation, 100 000 m2 de friche, des millions de souvenirs.. Manufrance.
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