Les armureries en France ont une longue histoire qui remonte à plusieurs siècles. Les armuriers étaient initialement des artisans spécialisés dans la fabrication d’armures pour les chevaliers et les soldats.
En marchant dans les rues de Paris, nous passons devant des devantures sans penser à ce qu’elles furent autrefois. Pourtant, Paris fut, indéniablement, une capitale armurière avec ses grands noms : Lepage, Lefaucheux, Vidier, Modé, Flobert, Devisme, Houllier-Blanchard, Léopold Bernard, Gastinne-Renette et tant d’autres…
Sur place, il se fabriquait des bascules, des canons, des crosses, et l’on y inventait même de nouveaux mécanismes d’armes à feu. Les armuriers faisaient aussi venir des armes de Saint-Etienne et de Liège. De nos jours, plus aucune arme de fabrication récente ne porte le poinçon de Paris.
Vers 1900, il existait plus de 120 de commerces dans le secteur de l’armurerie dans Paris intra-muros.
Nicolas Bernard, ancien chef ouvrier de la Manufacture d’Armes de Versailles, s’établit à Paris en 1821. Houllier-Blanchard, arquebusier, s’était installé à Paris au milieu du 19e siècle. En 1902, le fabricant Vidier était installé au 1 bis, rue de Chaillot. Pour la plupart des chasseurs, le nom de Lefaucheux évoque d’abord le fameux fusil de chasse basculant tirant des cartouches à broche. L’armurerie Lepage Frères ouvrit ses portes à Paris en 1823. Dans les années 1860, Geerinckx, successeur de Gauvain arquebusier, tenait boutique au 93 boulevard de Montparnasse. Au 126 rue Lafayette dans le 10e arrondissement, à quelques pas de l’ancien siège du Parti Communiste, Aux armes de Saint-Jean existait depuis au moins 1936. Fondés en 1978, les Ateliers Saint-Eloi produisirent des armes fines et de luxe pendant un quart de siècle. Armes Gambetta se trouvait 8 bis rue Belgrand dans le 20e arrondissement de Paris.
Lire aussi: Découvrez l'armurerie airsoft
La ville d’Issy-les-Moulineaux, à proximité immédiate de Paris, était extrêmement liée au monde de l’armurerie parisienne, d’une part à cause de la présence du Banc d’Epreuve de Paris, mais aussi de la cartoucherie Gévelot. L’invention de la cartouche à fulminate remonte aux années 1820 avec Joseph Marin Gévelot. Depuis 1816, il s’était établi à Paris en qualité de « armurier, arquebusier, fourbisseur et ceinturonier » rue Saint Denis. Il produit des amorces en série à partir de 1820. En 1823, il pose le brevet de l’amorce au fulminate de mercure.
Il serait difficile de parler de l’armurerie parisienne sans faire mention de la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Etienne, tant elle fut incontournable pendant près d’un siècle, à partir de 1885. En 1970, 65 % de la production d’armes de chasse en France était assurée par Manufrance. Les fusils Simplex, Robust, Idéal et Falcor marquent les années d’or de la manufacture stéphanoise. En 1976, l’entreprise employait 3800 personnes et disposait d’une centaine de magasins.
Pour mémoire, voici une liste non-exhaustive d’importateurs et de grossistes en armes de chasse et de tir qui étaient à Paris :
Au milieu des années 1970, la France militaire cherche un souffle nouveau. L’heure n’est plus au MAS 49/56, hérité d’un autre temps. Le monde passe au calibre 5,56 mm OTAN. Il faut suivre le mouvement, mais avec la touche française. Ce sera un fusil court, nerveux, compact, avec un design audacieux. Le chargeur n’est plus devant, mais derrière la poignée. Une configuration « bullpup », inédite pour l’époque, qui intrigue autant qu’elle séduit. Le FAMAS, Fusil d’Assaut de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne - voit le jour.
À sa sortie, le FAMAS en impose. Il tire vite, très vite : jusqu’à 1 100 coups par minute. Il est précis, robuste, fiable. En France, on l’adopte sans hésiter. Pendant plus de quarante ans, les soldats français n’ont connu que lui. De la Bosnie à l’Afghanistan, du Liban à l’opération Barkhane, le FAMAS a tout vu. Il a traversé les conflits, les embuscades, les patrouilles, les heures d’ennui et les tirs nourris. C’est avec lui qu’on formait les appelés, puis les engagés. Il est aussi devenu un objet d’image. Sur les affiches de recrutement, dans les cérémonies officielles, les mains gantées des soldats le brandissaient comme un symbole. Le 14 juillet, il défile. Dans les écoles militaires, il s’aligne.
Lire aussi: Votre guide des expériences avec Drome Chasse Tir
Pourtant, derrière l’image, la mécanique s’enraye. Le monde change, les armes évoluent. Le FAMAS, lui, reste le même. Pas de rail standardisé pour y fixer des accessoires. Alors, les soldats bricolent. On s’adapte avec des systèmes D, on colle des rails, on ajuste des pièces et on fait durer. Malheureusement sur le terrain, les limites apparaissent.
En 2014, l’État lance un programme ambitieux : équiper les forces françaises de 90 000 nouveaux fusils d’assaut. L’objectif est clair, le besoin urgent. L’appel d’offres fait figure d’électrochoc. Verney-Carron, dernier acteur historique de l’armurerie nationale, tente le coup. Il s’associe. Il présente un prototype. Il y croit. Mais le verdict tombe : le marché va à Heckler & Koch, fabricant allemand. Le modèle choisi ? Le HK416F.
C’est plus qu’une décision technique. C’est un aveu. Celui d’une filière abandonnée, d’un savoir-faire dissous, d’un écosystème démantelé. Il ne restait que des souvenirs, des anciens, et quelques machines. Le contrat est estimé à plus de 400 millions d’euros. Cette histoire, les stratèges la connaissent bien. Ils la racontent dans les colloques, la citent dans les notes confidentielles. Le FAMAS est devenu un cas d’école. En temps de paix, la dépendance industrielle paraît acceptable. En temps de crise, elle devient un boulet. Que se passerait-il si les relations diplomatiques avec l’Allemagne se détérioraient ? Si l’Autriche décidait un embargo ?
Le FAMAS aurait pu connaître une autre vie : modernisation, relance, série export. Rien de tout cela n’a eu lieu. Aujourd’hui, dans certains dépôts, il traîne encore. Des lots de FAMAS sont stockés, parfois donnés à des pays alliés, parfois revendus. Il arrive même qu’on le ressorte pour les défilés. Histoire de faire bonne figure.
Le 11 février 2025, une dernière mauvaise nouvelle tombe : Verney-Carron, dernier symbole de l’industrie du fusil d’assaut français, est en cessation de paiements. Quelques jours plus tard, le tribunal de commerce de Saint-Étienne ouvre une procédure de redressement judiciaire. Dans la cité qui fut le berceau de l’armurerie française, c’est un coup dur. Deux offres fermes émergent : l’une du géant belge FN Browning, l’autre portée par un binôme inattendu mais localement ancré : l’entreprise Rivolier, distributeur stéphanois historique et le groupe tchèque RSBC, propriétaire notamment de Steyr et Arex. Deux autres propositions plus modestes complètent le tableau. L’enjeu n’est pas qu’industriel, il est patrimonial, presque affectif. Il s’agit de maintenir une flamme.
Lire aussi: Tout savoir sur Chasse Tir Malin à Luçon : notre évaluation.
Le 4 mai 2025, le tribunal tranche. Verney-Carron sera reprise par l’alliance Rivolier-RSBC. Sur les 66 salariés, 55 conserveront leur poste. Un compromis fragile, mais une bouée tendue. La France perd peut-être le FAMAS, mais elle sauve une parcelle de son indépendance armurière.
En France, plus de la moitié des armuriers ont disparu depuis les années 1950, notamment à cause du cadre législatif qui s’est progressivement durci. De plus, dans le cadre de l’Union européenne, il faut ajouter « l’évolution » de la réglementation sur les armes, ce qui ajoute des incertitudes.
Pour comprendre les raisons, il faut se replonger dans le contexte de l’époque : première guerre du Golfe en 1991 et nouvelles réglementations en préparation. Cela n’a pas été sans conséquences, car leur disparition a supprimé toute possibilité d’approvisionnement local pour les armuriers parisiens.
Aujourd’hui, il existe environ 15 000 armureries en France. Elles se trouvent dans toutes les régions du pays et peuvent être grandes ou petites, indépendantes ou liées à des chaînes nationales.
tags: #armurerie #des #champs #elysees #histoire